Affaire Amadou Vamoulke et cie: La demande d'acquittement formulée par les Avocats de Polycarpe Abah Abah fait polémique

Affaire Amadou Vamoulke et cie: La demande d'acquittement formulée par les Avocats de Polycarpe Abah Abah fait polémique

A  l'audience d'hier 29 août au Tribunal criminel spécial à Yaoundé, l'accusation s'oppose mordicus à cette  requête. A cet effet, elle  demande au tribunal de joindre au fond les exceptions soulevées par la défense.

Pare Florentin Ndatewouo

Une audience sous tension. Hier lundi 29 août, l'ordre du jour prévoit l'audition du témoin, Modeste Mopa Fatoing au Tribunal criminel spécial (Tcs) à Yaoundé. L'actuel directeur général des impôts est cité par le Ministère public, pour le compte de l'accusé Polycarpe Abah Abah. Une fois de plus, le tribunal n'aura pas l'occasion de noter les dépositions de sieur Mopa. Le témoin ne s'est pas présenté à l'audience. 

Les Avocats de Polycarpe Abah Abah prennent la parole. Ils  produisent leur conclusion. La partie demanderesse demande au tribunal de statuer sur les exceptions de fin de non recevoir, liées à la prescription. De plus, Mes Mong Antoine et Nko'o plaident pour la non culpabilité de leur client. En conséquence, ils sollicitent l'acquittement de sieur Abah Abah. Ce dernier est poursuivi pour  les faits de détournement présumé de biens publics en coaction, avec l'ancien directeur général de la CRTV, Amadou Vamoulke. 

Il n'en faut pas  plus pour provoquer une avalanche de réactions de la part de l'accusation. « Je suis un peu étonné et je ne sais plus à quoi m'en tenir. Au code de procédure pénale, ou au texte organique du Tcs. En face, j'ai un maître.  Je suis gêné parce que lorsque vous allez parcourir ces volumineuses écritures, à aucun moment les Conseils du ministre n'émettent une quelconque réserve quant à la comparution des témoins du ministre.Dans le jargon judiciaire, comment doit être qualifiée cette attitude?» Ainsi, s'interroge  Me Ndjodo Bikoun, Avocat de l'État du Cameroun :«(...) j'ai du mal à être convaincu qu'il y a un déni de défense quelque part. Monsieur le Président on ne peut pas vous demander de déclarer un accusé non coupable et les débats continuent. C'est extraordinaire monsieur le président. Je crois que l'instruction de cette affaire continue. Pour qu'un accusé soit déclaré non coupable, il faut que la voix du Ministère public soit entendue... Je ne savais pas qu'il y avait les plaidoiries par anticipation. Je n'ai rien à dire, je suis perdu», Me Ndjodo exprime ainsi son désarroi. Illico presto, sa collègue d'en face, Me Nko'o, dans un ton ironique ordonne :«Assied-toi alors...»

«(...)On nous a plus ou moins forcé la main à prendre les réquisitions finales aujourd'hui. Parce qu'en face, la messe est déjà dite.»

Le Ministère public emboite le pas au Conseil de l'État du Cameroun:« Sans être chrétien, j'ai souvenance des saintes écritures, notamment l'Ecclésiaste qui dit qu'il y a un temps pour toute chose.» Ensuite, le représentant du Parquet général procède à la lecture des dernières phrases du dispositif des «plaidoiries» de la défense du ministre Abah Abah. «En conséquence, "déclarez le concluant non coupable de crime de coaction de détournement qui lui est reproché, l'acquitter purement et simplement pour fait non établi». Cette demande ne laisse pas de marbre le Ministère public. Tout de go, l'Avocat général fouille dans son dossier et ressort un document. Le représentant du Parquet général s'apprête à  prendre ses réquisitions finales, lorsqu'il est interrompu par l'accusée, Antoinette Meyeng Meyoa. Cette dernière rappel au tribunal l'absence de son Avocat, pour des raisons de santé. Le Tribunal prend acte. En conséquence, le président de la collégialité annonce à l'Avocat général son intention de suspendre l'audience : «(...)On nous a plus ou moins forcé la main à prendre les réquisitions finales aujourd'hui. Parce qu'en face, la messe est déjà dite.» A l'appui de sa déclaration, l'Avocat général convoque les dispositions de l'article 10(4) de la loi du 14 décembre 2011, portant création d'un Tribunal criminel spécial :«Les exceptions de procédure, y compris celle relative à la compétence, sont jointes au fond». A cet effet, l'Avocat général demande à la collégialité de joindre au fond la requête introduite par la partie défenderesse. 

Me Mong s'oppose au Ministère public. Le défenseur de Polycarpe Abah Abah note qu'en matière pénale, «même à la première audience, on  peut produire ses conclusions. C'est un moyen de défense qui est laissé aux parties», a-t-il argumenté, et de poursuivre :«Nous allons nous même citer monsieur Ngamo si le Ministère public ne veut pas le faire. Nos conclusions se fondent sur les dispositions de l'article 382 du Code de procédure pénale.» La  partie demanderesse de répliquer :« On ne conteste pas, le problème est au fond», rappelle Me Ndjodo.

En face, Me Mong Antoine poursuit son argumentaire :« lorsque dans une procédure, on soulève une fin de non recevoir comme la prescription, ça ne peut pas être jointe au fond. Cela doit donner lieu à un jugement séparé tel que le prévoit le Code.»

« le représentant du Ministère public, incité par mes confrères, a failli nous manquer du respect...»

Me Garga monte lui aussi au créneau. Ce défenseur de l'accusé Amadou Vamoulke estime que le Ministère public est dans la «cacophonie». Me Garga déplore le fait que, « le représentant du Ministère public, incité par mes confrères, a failli nous manquer du respect.» Pour cause? «il a voulu requérir alors que,  comme mon confrère Me Mong a cité l'article 382(2), ces conclusions n'ont pas été signées par Me Pondi Pondi, Me Garga. La défense est plurielle.» Le défenseur d'Amadou Vamoulke partage son embarras:« D'où vient-il qu'on veuille faire des conclusions ainsi? Le sort d'Amadou Vamoulke n'est pas lié à celui du ministre Abah Abah. Monsieur Abah Abah a toujours dit que c'est à tort qu'il est là. Ce n'est pas aujourd'hui qu'on apprend cela. Qu'il demande qu'on l'acquitte n'est qu'une suite logique.» 

Lire aussi : Polycarpe Abah Abah: La non citation de nos témoins procède d'une stratégie élaborée par l'accusation pour nous priver de nos droits. 

L'accusé Polycarpe Abah Abah tient lui aussi à se faire entendre. Il accuse la partie demanderesse de vouloir priver la défense de ses droits. «Je voudrais rappeler à Monsieur Abah Abah que  le régisseur de la prison centrale de Douala  a refusé que ce témoin comparaisse devant ce Tribunal, motif pris de ce que  cette citation ne valait pas mandat d'extraction», explique une fois de plus l'Avocat général :«j'ai entendu le ministre parler d'honnêteté intellectuelle, je vous regarde dans les yeux grand frère, c'est une question de bon sens. Vos Avocats  demandent qu'on vous déclare non coupable. Qui vous a dit que je vais demander qu'on vous déclare coupable ? Cela veut dire que vos Avocats ont déjà conclu que vous êtes coupable. Pourquoi pensez-vous que l'on veuille occulter la vérité ? Dans quel intérêt ?»

A la suite des différentes interventions, le tribunal statue sur l'exception soulevée par les Avocats de sieur Abah Abah:« les exceptions soulevées par les Conseils de l'accusé Abah Abah sont jointes au fond». L'audience est suspendue, et la suite de l'instruction de la cause est  renvoyée aux 08 et 16 septembre 2022 pour l'assistance de l'accusée, Antoinette Meyeng Meyoa par son Avocat, l'audition éventuelle des témoins de sieur Abah Abah.