Bernadette Mebe Ngo’o : « Qu'est-ce que j'avais d'abord de sale pour le blanchir par la suite ? Je n'ai jamais détourné. »
Entendue une fois de plus à l’audience de ce 31 novembre au Tribunal criminel spécial à Yaoundé, l’épouse de l’Ex-ministre délégué à la Présidence chargé de la Défense réfute l’accusation du blanchiment aggravé de capitaux. L’accusée revient également sur les conditions de son arrestation, et répond en outre des chefs de complicité présumée de corruption.
Par Florentin Ndatewouo
Me Koé Amougou
Vous êtes accusée de complicité de détournement de la somme d'01 milliard 675 millions, somme issue de deux décisions de déblocage de fonds les 24 mars 2013 et 20 mars 2015, sans prétendument pièces d'emploi. Le 10 mai 2021, l'accusation, dans ses réquisitions intermédiaires, pour étayer le détournement de la somme d'01 milliard 675 millions l'accusation a produit 116 factures partant des années 2010-2015, d'un montant total 317 millions 794 mille. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Dame Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o :
C'est vraiment absurde, je n'y comprends rien.
N'étant ni fonctionnaire, ni gestionnaire, je ne sais même pas ce que veut dire une décision de déblocage de fonds en espèces.
Premièrement, ou c'est la société Limousine prestige services, personne morale, pénalement responsable, ou c'est moi. Deuxièmement, Limousine, personne morale n'est pas partie au présent procès. Troisièmement, la société bénéficie des paiements cumulés sur 07 ans de 317 millions 717 mille 434 Fcfa, et on dit que moi, Minla Nkoulou épouse Mebe Ngo'o, j'ai volé 01 milliard Fcfa avec mon époux.
Quatrièmement, comment peut-on imputer des faits reprochés à quelqu'un d'autre avec des montants contradictoires ?
Me Koé Amougou :
Pour la bonne gouverne du tribunal, déclinez votre pensée.
Dame Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o :
Je me demande comment on peut saisir les biens d'une personne morale non renvoyée devant votre Tribunal ? Et qu'en ses lieux et place, qu'un tiers soit poursuit en ma personne ? Bien plus, Comment les prestations faites de 2009 au 19 mars 2013 peuvent attendre le 24 mars 2013 pour être payées ? C'est simplement incroyable. Je vais d'ailleurs vous le prouver à partir des pièces admises dans votre dossier de procédure.
Je comparais devant vous pour des faits imaginaires lorsqu'ils ne sont pas tronqués… C'est pour moi la reconnaissance par le Ministère public de mon innocence. Il me réclame les 07 millions 368 Fcfa qui sont hors période des poursuites. Ils n'ont produit aucune pièce pour étayer la complicité de détournement, et 01 milliard 357 millions 207 mille 566 Fcfa, c'est donc une somme indue qu'on me réclame. A quelle fin? Je n'en sais rien. J'attends donc les explications qui vous seront données par l'accusation à cet effet.
Me Koé Amougou :
Sur quoi vous fondez-vous pour affirmer que les prestations de 2009 au 19 mars 2013 n'ont pu attendre la décision de déblocage de fonds de la somme de 375 millions FCFA du 24 mars 2013 pour être payées ?
Dame Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o :
Toutes les factures de Limousine prestige service produites par l'accusation elle-même et admises dans le dossier de procédure comportent non seulement les dates de leur règlement, mais également, la signature des commerciaux de Limousine qui s'occupaient de leur suivi. Comment peut-on essayer de vous faire croire que ce sont les fonds débloqués le 24 mars 2013, qui ont servi au paiement des factures de Limousine prestige de 2009, au 19 mars 2013?
Me Koé Amougou:
Pouvez-vous étayer vos propos en indiquant au tribunal, quelques dates de règlement desdites factures?
Dame Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o :
En 2010, nous avons une facture de 410 mile 435 Fcfa, facturée le 03 février 2010. Date de paiement:le12 février 2010. Donc payé plus de 03 ans avant le paiement des fonds de 2013.
Année 2013: facture payé le 08 février 2013 d'un montant de 12 millions 787mille 792 Fcfa. Aucun détournement possible.
Me Koé Amougou :
A combien s'élève le montant des factures de Limousine prestige réglée avant la fameuse décision de déblocage des fonds de 375 millions de Fcfa ?
Dame Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o :
La sommation des factures de 2009 jusqu'au 19 mars 2013, est de 116 millions 762 mille 142 Fcfa.
Complicité de corruption
Me Koé Amougou:
Qu'avez-vous à dire au Tribunal sur ce chef d'accusation, mis à votre passif, par ce qui vous poursuivent, se fondant sur les allégations de votre coaccusé, monsieur Mbangue Maxime, qui prétend que monsieur Robert Franchitti vous aurait remis la somme de 500 euros à l'hôtel le courssel à Paris, et qu'il réglait vos factures d'habillement ?
Dame Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o :
Monsieur Maxime Mbangue a déclaré qu'il n'a jamais été en contact avec aucun fournisseur du temps où il était au Mindef (Ministère de la Défense, Ndlr) et qu'il n'a jamais effectué aucune mission à Paris, pour le compte du Mindef. Il a donc clairement reconnu qu'il mentait non seulement pour les 500 mille euros, mais également pour tout le reste.
Me Koé Amougou:
Les pièces d'exécution de la Commission rogatoire française du 05 mars 2020, et du 18 février 2019, du 12 mars 2022 renseigne sur l'état de tous vos avoirs en France ainsi que ceux de votre époux. Quelles observations appellent de votre part, vos contrats d'assurance, qui ont pris effet pour votre époux le 09 septembre 2002, avec un premier versement de 50 mille euros, et pour vous, le 13 avec un versement initial de 400 mille francs français, 61 mille euros le 14 février 2002; 15300 euros le 22 février 2002. Cette pièce indique également que vous avez acquis un appartement à Aubervilliers le 21 octobre 2004.
Dame Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o :
J'observe tout simplement que ces contrats d'assurance sont antérieurs à la période des poursuites. Et que l'appartement a été acquis avant que mon époux ne soit nommé Mindef en 2009.
Me Koé Amougou :
La quote B59 indique que vous avez 04 comptes bancaires en France, un compte joint à attijariwaba en France, un compte joint à BM Paris et un compte courant à BM Paris. Que pouvons-nous en déduire ?
Dame Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o :
Le constat est que nous avons deux comptes joints et un compte courant chacun, contrairement aux allégations de l'accusation.
Me Koé Amougou:
Vous observations sur la pièce B18 qui est la conclusion de toutes les accusations faites par la Justice française, précisément la quotte B18/6: « le couple Mebe Ngo'o ne faisait pas l'objet de recherches par nos services, n'avait pas d'antécédents judiciaires... »
Dame Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o :
C'est la preuve que mon époux et moi n'avons commis aucun acte répréhensible en France, ni ailleurs d'ailleurs.
Blanchiment ?
Me Koé Amougou :
Que répondez-vous à l'accusation qui vous poursuit pour blanchiment d'un montant avoisinant les 05 milliards FCFA?
Dame Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o :
Qu'est-ce que j'avais d'abord de sale pour le blanchir par la suite? Je n'ai jamais détourné. Et je ne me suis jamais rendue coupable de corruption. Par conséquent, lorsqu'on m'accuse d'un détournement de la somme avoisinant 05 milliards Fcfa, je ne sais pas ce que ça signifie. Que veut dire ce montant ? Pourquoi avoisinant ?
Depuis 38 ans que je me suis mariée, je me suis toujours battue. Je ne connais pas la facilité. Aux avantages qu'à bénéficiés mon époux après 12 années à la préfectorale et 21 années au gouvernement, j'ai ajouté mes multiples activités génératrices de revenus… J'ai vendu des vêtements, exploité les taxis, vendus des œufs, des poulets, du poisson. Au village, avec ma feue belle-mère, j'ai réalisé 27 hectares de cacao, et 59 hectares de palmeraies dont l'exploitation a remporté le premier prix du comice agro-pastorale d'Ebolowa en 2010. L'activité prenant de l'importance, j'ai installé une petite usine de transformation qui produit 1000 litres/jour. A tout ceci, j'ai pu ajouter les cultures vivrières telles que le Macabo, manioc, igname, plantain...
Dès 1993, mon mari étant préfet de l'Ocean à Kribi, j'ai entrepris la construction d'un établissement hôtelier appelé « la Marée hôtel », et au fur et à mesure des investissements, cet hôtel a progressivement connu des extensions.
Jusqu'à ma mise en détention, j'avais créé l'élevage de plus de 500 têtes de porc qui se vendaient dans certains supermarchés de la place. J'avais créé depuis 1997 comme je l'ai mentionné, la société de location de tente et chaises, Lnd, devenue Limousine prestige services en 2005, avec une unité de location de véhicules. Cette structure n'existe plus aujourd'hui. J'ai enfin créé une exploitation de pisciculture hors sol ici même à Yaoundé. C'est dire que je me suis toujours battue et je ne peux être accusée de blanchiment.
Me Koé Amougou :
Que souhaitez-vous que le tribunal retient, relativement à ces trois chefs d'accusation ?
Résidence surveillée?
Dame Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o :
Je n'ai jamais détourné. La vie est un don de Dieu. N'étant complice d'aucun détournement, d'aucune corruption, d'aucun blanchiment, je voudrais qu'on me dise pourquoi je suis en prison ? J'ai essayé de soutenir et d'accompagner mon époux dans les responsabilités qui lui ont été confiées à la préfectorale et au gouvernement. Non pas en allant m'installer dans ses bureaux où je n'avais rien à faire. Mais,
en accomplissant mes tâches domestiques. M'attelant aux nombreuses activités liées à ses réceptions. Et auxquelles ont quelque fois pris part, de hautes autorités de l'État. Croyez-moi, c'est une responsabilité qui vous fait perdre le sommeil, avant, pendant, et surtout après les réceptions. Je dois également vous dire madame la présidente que je ne comprends pas l'acharnement et le manque d'humanité dont nous sommes victimes...Nous avons été assignés à résidence surveillée pendant plus d'un mois. Handicapée, parce qu'opérée à la hanche, j'ai vu mes perfusions être retirées avant d’être conduite en prison. Une fois en prison, les détenus ont essayé de me lyncher, me reprochant d'avoir brûlé de l'argent, à la suite d'un reportage diffusé l'avant-veille par la chaîne de télévision France 24, qui était en réalité une œuvre d'art d'un peintre espagnol.
J'ai été contaminée au Covid-19. Avant mes 14 jours comme le prescrit l’Oms, j'ai été renvoyée en prison. J’ai donc été contrainte de passer la nuit à la belle étoile. Mes codétenues ayant peur d'être contaminées par moi. Je vous prie de me rendre ma liberté pour que je tente de me reconstituer.
La CROSS-EXAMINATION de l’accusation est prévue le 17 novembre prochain.