Présomption de détournement de biens : Le tribunal admet sur la forme, les pièces à conviction relatives aux marchés dits fictifs imputés à Edgard Alain Mebe Ngo’o et cie.

Présentés par le ministère public, les documents en débat hier 02 février portent à 23 milliards 529 millions 479 mille 231 Fcfa, les pertes enregistrées par l’Etat en rapport avec ces marchés spéciaux.
Par Florentin Ndatewouo
08H de débats houleux. La présidente de la collégialité suspend l’audience pour une période de 30 minutes. La magistrate Bahounoui et ses collègues, sieurs Ndibo, Nyassa Luc se retirent pour délibérer. De retour en salle d’audience, elle se prononce en faveur de la recevabilité en la forme des pièces produites par le parquet.
Ce verdict du Tribunal criminel spécial (Tcs) a été rendu public hier 02 février. Ceci, au cours du procès qui oppose l’Etat du Cameroun (Ministère des Finances, Minfi) aux sieurs Edgard Alain Mebe Ngo’o Abraham, Mbangue Maxime, Mboutou Elle Ghislain, Menye Victor Emmanuel, Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o. Ils sont poursuivis pour les faits de corruption, détournement de biens publics (Dbp), violation code des marchés, prise d’intérêt dans un acte, blanchiment aggravé des capitaux, complicité de Dbp.
Durant ce procès, le débat autour de l’admissibilité des pièces à conviction produites par le ministère public mobilise les énergies. A coup d’arguments, les différentes parties au procès se neutralisent. La défense plaide pour le rejet des pièces relatives aux marchés qualifiés de « fictifs » par le ministère public. A contrario, la partie demanderesse soutien l’admission desdits documents.
Au soutien de leurs plaidoiries, les avocats des accusés font valoir le caractère illégal des pièces soumises à leurs appréciations.
Me Mandengue ouvre le bal des oppositions. L’avocat de l’accusé Victor Menye Emmanuel convoque l’article 313 du Code de procédure pénal (Cpp). « (1) Le contenu d’un document ne peut être prouvé que par production de la preuve primaire ou, à défaut, de la preuve secondaire. La preuve testimoniale n’est pas admise. (2) a) Par preuve primaire, on entend l’original d’un document. Quand un document a été établi par le même procédé en plusieurs exemplaires, chaque exemplaire est une preuve primaire de ce document. b) Par preuve secondaire, on entend la copie conforme à l’original et certifiée par une autorité compétente. » Ensuite, il indique qu’à l’information judiciaire, toutes les pièces qui étaient versées par la partie poursuivante étaient des photocopies non légalisées. « Toute chose qui nous fait dire que les originaux n’existent pas. » Dès lors, « nous disons que pour des faits aussi graves et des accusations aussi sérieuses, il faudrait qu’on nous produise des pièces conformes à la loi. »
« Après avoir parcouru la liste des accusés, il n y a pas la présence du secrétaire général de la Présidence République ici dans le box madame la présidente(…) les marchés sont au-delà de 200 millions Fcfa et ne sont pas de la compétence de mon client Edgard Alain, mais du Sgpr.»

Les avocats de la défense font chorus. Ils dénoncent le caractère « illégal » des pièces à conviction: “Je peux indiquer que ce qui a été dit par notre confrère est parfaitement valable“, fait savoir Me Claude Assira.
De plus, Me Koue Amougou Noelle précise que les documents en débat portent sur les marchés spéciaux. L’entrée en vigueur desdits marchés est soumise à la signature du secrétaire général de la Présidence de la République (Sgpr). Cependant, « après avoir parcouru la liste des accusés, il n y a pas la présence du secrétaire général de la Présidence République ici dans le box madame la présidente », et d’ajouter : « les marchés sont au-delà de 200 millions Fcfa et ne sont pas de la compétence de mon client Edgard Alain, mais du Sgpr », dixit l’un des conseils du couple Mebe Ngo’o.
La réaction de la partie civile ne se fait pas attendre. D’entrée de jeu, Me Atangana Ayissi questionne l’existence ou non des pièces originales des marchés : « A cette question, nous voulons rappeler pour mieux attirer l’attention de ceux qui se sont posés cette question sur l’auteur de ceux qui ont signé ces marchés. Le statut de la chambre des comptes, en tant que dépositaire des marchés, relève de la loi. » référence faite à l’article 2 de la loi du 21 avril 2003 fixant les attributions l’organisation et le fonctionnement de la chambre des comptes de la Cour suprême. L’avocat de l’Etat ajoute : « Les originaux des marchés logés à la chambre des comptes y sont au titre des minutes. Vous ne pouvez pas déplacer des minutes. »
Le ministère public abonde dans le même sens : « Les pièces que nous avons produites, tout comme les 30 autres devront être admises. Est-ce que les pièces remplissent les conditions requises en la forme ? Nous répondons de façon péremptoire par l’affirmatif oui! » L’avocat général invoque les dispositions des articles 308, 313 et 314 du Cpp, relatifs à l’administration de la preuve.
« Toute sorte de jactance autour de l’origine de nos pièces est nulle. La loi est dure mais c’est la loi ! »
Mais la défense ne s’avoue pas vaincue. Me Mandengue revient à la charge. Il conteste la qualité de la Chambre des Comptes de la Cour suprême à authentifier les pièces en étude afin de leur conférer la légalité. « Regardez la qualité des marchés, la qualité des personnes signataires des marchés, les compétences de la chambre des comptes. Je sais que la chambre des comptes a des compétences, mais pas celle de signer les pièces. J’insiste que la chambre des comptes n’est pas l’autorité compétente pour légaliser ces pièces.» Après cette réaction de la défense, le ministère public réplique : « A la rhétorique stérile, il faut opposer la loi. » L’avocat général fait appel à l’article 2 de la loi du 21 avril 2003 fixant les attributions et le fonctionnement de la chambre des Comptes de la Cour suprême. Ensuite, il poursuit avec l’article 308 du Cpp et de conclure : « toute sorte de jactance autour de l’origine de nos pièces est nul. La loi est dure mais c’est la loi ! » Va-t-il marteler.
36 documents ont été soumis à l’appréciation des parties. Le conseil du couple Mebe Ngo’o s’est refusé de présenter des témoins. Me Koue Amougou Noelle estime que le dossier contient assez d’éléments pour assurer la défense de ses clients. La suite du procès a lieu ce 03 février. Le ministère public entend requérir sur les « marchés surfacturés ».