Présomption de détournement : “En sortant de son bureau, monsieur le procureur a retiré deux billets de 10 mille Fcfa pour me donner. J’ai refusé.”

Présomption de détournement : “En sortant de son bureau, monsieur le procureur a retiré deux billets de 10 mille Fcfa pour me donner. J’ai refusé.”

Poursuivi pour les faits de détournement supposés de la somme de 132 millions Fcfa, sieur Haminou évoque au cours de son audition ce 25 janvier au Tcs, la tentative de corruption du procureur de la République de Ngaoundere. Il accuse également le juge d’instruction de lui avoir demandé le montant de 200 mille Fcfa.

 

 

Par Florentin Ndatewouo

 

Sieur Haminou ne reconnaît pas les faits qui lui sont reprochés. Il est entendu ce 25 janvier pour répondre de l’infraction de détournement présumé de la somme de 132 millions Fcfa. Dans le box des témoins au tribunal criminel spécial (Tcs), il revient sur les circonstances de son interpellation. L’accusé dit avoir été interpellé un vendredi par sieur Younoussa, président du marché des motocycles dans la ville de Ngaoundere. Ce dernier l’accusant de récupérer ses clients. Il s’ensuit une dispute, suite à laquelle sieur Younoussa lui adresse une convocation en provenance du procureur de la République. Sieur Haminou y défère. “Le procureur m’a dit qu’il a appris qu’il y avait au marché l’usage des fausses quittances. Qu’il n’avait cependant pas les éléments palpables qui lui permettaient de confirmer cela. Et que je me devais l’aider à les obtenir. Je lui ai fait savoir que je n’étais pas au courant.”Sieur Haminou affirme avoir passé un deal avec le représentant du ministère public :“le procureur a dit si je n’accepte pas de l’aider à traquer les fausses quittances, Il va utiliser celles qui portent mon nom qui lui ont été offertes par Younoussa. Puis, m’emmener en prison. J’ai demandé au procureur de me montrer ces quittances.” Sieur Haminou dit avoir été mis en contact avec le commandant des douanes, monsieur Djissi par le biais du procureur de la République. Au cours de cette rencontre, les fausses quittances lui sont présentées. Mais avant son entrevue avec ledit commandant, sieur Haminou dit avoir été l’objet d’une tentative de corruption :” En sortant de son bureau, monsieur le procureur a retiré deux billets de 10 mille Fcfa pour me donner. J’ai refusé. Je lui ai dit que tout ce que je veux c’est ma sécurité.”

Une semaine après ces événements, la gendarmerie effectue une descente sur le terrain. En compagnie du substitut du procureur, elle boucle le marché et emporte des motocycles à la brigade de recherches de la légion.

 

 

“le juge d’instruction m’a demandé de donner la somme de 200 mille Fcfa pour qu’on aille fouiller les documents à la douane. Je lui ai dit que je n’ai pas l’argent…”

 

 

L’accusé Haminou déclare avoir été arrêté, puis incarcéré le lendemain. Selon lui, le commandant de la brigade de recherches va lui demander de payer les droits de scellés. Chose à laquelle il s’oppose:“Ma maman lui a donné 50 mille Fcfa. Il a dit que les frais de scellés coûtent 100 mille Fcfa. Il a dit à ma maman: “votre fils a la tête dure.” Il m’a finalement libéré ayant pris 50 mille Fcfa”

Après sa libération, sieur Haminou reçoit un coup de fil du procureur de la République. Au terme des échanges, ordre lui est donné de saisir les propriétaires de motocycles détenteurs de fausses quittances.” J’ai saisi plusieurs fausses quittances. L’un des détenteurs de fausses quittances m’a dit qu’il a payé 500 mille Fcfa avant d’être libéré de la cellule. Mais qu’on ne lui a pas remis sa quittance. Que je devais lui rembourser. Sinon, il va me faire quelque chose. J’ai expliqué la situation au procureur. Il m’a demandé de rester tranquille”. Sieur Haminou dit avoir reçu de nombreuses menaces par la suite. En dépit desdites menaces, il ne lâche pas prise.” J’ai arrêté une troisième moto une semaine plutôt tard. J’appelle le procureur. Il me demande de garder la fausse quittance parce qu’il était en déplacement à Maroua. J’ai gardé cette quittance dans un sac chez mon frère cadet (Abdouraman Goni ndlr) sans qu’il ne le sache.”
Deux jours après, le procureur de la République le contacte aux environs de 17h. Il lui demande de le retrouver à la gendarmerie. “Arrivé là, je suis encerclé par 4 gendarmes. On m’emmène chez le commandant de brigade. Le commandant dit: Sieur Haminou, tu es entrain de nous aider alors que tu es également dans le faux.” Sieur Haminou se dit désemparé: ” Je lui ai demandé ce qui se passe et il m’a répondu que je suis dans l’usage des fausses quittances.” Le commandant aurait agi sur instructions du procureur de la République.“J’ai appelé le procureur. Le téléphone a sonné il n’a pas décroché. Le commandant a appelé le procureur et a mis le téléphone sur haut parleur. Le procureur a demandé :” est-ce que le poisson est dans le filet?” Et le commandant a répondu affirmatif.” Ainsi, sieur Haminou va passer 30 jours de detention avant d’être présenté avec son frère cadet Abdouraman Goni devant le juge d’instruction:” le juge d’instruction m’a demandé de donner la somme de 200 mille Fcfa pour qu’on aille fouiller les documents à la douane. Je lui ai dit que je n’ai pas l’argent. 1 mois plutard, il envoie son greffier qui me demande de payer quelque chose.
J’ai fait 6 mois avant d’être envoyé devant la barre.”
 Après l’interrogatoire du mise en cause par son avocat, l’avocat de État du Cameroun et la partie civile ont demandé un renvoi.

“Au sujet de tout ce qui a été dit, il faudrait que nous prenions du temps pour déceler ce qui intéresserait le tribunal. C’est pourquoi nous souhaitons un renvoi monsieur le Président”, a requis l’avocat général après une brève concertation avec la partie demanderesse.
L’audience a été suspendue et la cause renvoyée le 23 février prochain.

Dans le cadre de cette affaire, sieurs Haminou et Abdouraman Goni sont poursuivis pour les infractions de détournement de biens publics, complicité, faux et usage de faux.