Affaire Mebe Ngo’o et cie : « Je ne suis pas à 05 costumes prêt. »
L’Ex-ministre de la Défense est contre-interrogé le 16 décembre 2021 par le Ministère public sur le chef de corruption. Il dit n’avoir été aucunement influencé par les cadeaux à lui offert par Robert Franchitti. Ceci, dans le cadre des marchés publics passé par son département ministériel et l’entreprise Magforce internationale, en vue de l’acquisition du matériel militaire.
Par Florentin Ndatewouo
La relation entre Robert Franchitti Edgard Alain Mebe Ngo’o est passée au peigne fin. Le patron de l’entreprise de fabrication du matériel militaire est interrogé par la Justice française. Au cours de son audition, le dirigeant de Magforce international reconnait avoir offert des présents à Edgard Alain Mebe Ngo’o : Environ 05 costumes d'une valeur totale de 2000 Euros ; des dîners au restaurant… A ces cadeaux, s’ajoutent des facilités octroyées à l’épouse de l’Ex-ministre délégué à la Présidence, chargé de la Défense (Mindef). Robert Franchitti note que, pour le compte de son entreprise Limousine prestige, dame Minla Nkoulou épouse Mebe Ngo’o procède à l’achat régulière du matériel de travail : des meubles, des matériels de décoration, des tentes pour les réceptions, « qu'elle entreposait dans les entrepôts de magforce. Je ne lui faisais pas payer l'entreposage ni le transport. »
Que répond Edgard Alain Mebe Ngo’o à ces déclarations de Robert Franchitti ? « Les relations que j'ai entretenues avec Magforce et son dirigeant sont saines. » Edgard Alain Mebe fait savoir que la dimension cordiale desdites relations lui permettait « de répondre à des invitations au restaurant, et à recevoir des cadeaux. » Le « Golden Boy » évoque la réciprocité : « Lorsqu'on vous invite, il faut rendre la politesse. » Ces échanges ont lieu au cours du contre-interrogatoire d’Edgard Alain Mebe Ngo’o, le 16 décembre 2021 au Tribunal criminel spécial (Tcs) à Yaoundé. La CROSS-EXAMINATION d’Edgard Alain Mebe Ngo’o porte entre autres, sur les infractions présumées de corruption, violation du code des marchés publics…
« J'ai accepté ces cadeaux qui ne m'ont pas déterminés à faire, ou m'abstenir de ne pas faire. N'ayant rien détourné, il n'y avait pas de contrepartie. »
En sa qualité de fonctionnaire, l’accusé dit n’avoir aucunement été influencé par les présents de Robert Franchitti. « J'ai accepté ces cadeaux qui ne m'ont pas déterminés à faire, ou m'abstenir de ne pas faire. N'ayant rien détourné, il n'y avait pas de contrepartie. » Edgard Alain Mebe Ngo’o ne manque pas de faire le paon : « Raisonnablement, qu'elle est ce Ministre de la Défense qui serait corrompu par 05 costumes? Je ne suis pas à 05 costumes prêts. » Cette déclaration provoque un tollé dans la salle : « Vraiment ! L’accusation manque d’arguments», assène au passage, un proche de l’accusé.
L'infraction de corruption est prévue et réprimée par les articles 134 et 134-1 de la loi du 12 juillet 2016 portant Code pénal. L'article 134 traite de la corruption active :" (1) Est puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende de 200.000 à 2.000.000 de francs, tout fonctionnaire ou agent public qui, pour lui-même ou pour un tiers, sollicite, agrée ou reçoit des offres, promesses, dons ou présents pour faire, s'abstenir de faire ou ajourner un acte de sa fonction.
(2) L'emprisonnement est de 1 à 5 ans et l'amende de 100.000 à 1.000.000 de francs si l'acte n'entrait pas dans les attributions de la personne corrompue, mais a été cependant facilité par
sa fonction. (3) Est puni des peines prévues à l'alinéa 2 précédent, tout fonctionnaire ou agent public qui
sollicite ou accepte une rétribution en espèce ou en nature pour lui-même ou pour un tiers, en rémunération d'un acte déjà accompli ou une abstention passée."
L'accusé Edgard Alain Mebe Ngo'o est un fonctionnaire au sens des dispositions de l'article 131 du texte normatif sus-mentionné. En cas de condamnation, cette qualité constitue une circonstance aggravante :"(1) La qualité de fonctionnaire, d'officier public ou d'agent chargé d'un service public est une circonstance aggravante de la responsabilité pénale contre ceux d'entre eux qui, hors les cas où la loi règle spécialement les peines encourues pour les crimes et les délits par eux commis, se sont rendus coupables d'autres crimes ou délits qu'ils étaient chargés de prévenir ou de réprimer." Ainsi dispose l'article 89 du Code pénal camerounais.
Les représentants du Parquet général interpellent l’Ex-Mindef sur des dépenses réalisées en faveur de l’un de ses fils. De l’avis de l’accusation, Edgard Alain Mebe Ngo’o a fait louer un appartement en France pendant la durée de deux ans. Ce, à raison de 3000 à 4000 Euros (1.9 millions à 2.6 millions Fcfa) par mois. Edgard Alain Mebe Ngo’o reconnait les faits : « J'ai loué un appartement pour mon fils. C'est vrai. Cela a été fait par mes soins. Tous les documents de loyer ont été déposés à l'information judiciaire. Le paiement s'est fait à partir de mon compte à Yaoundé. »
Ce procès implique nombre d’accusés. Outre Edgard Alain Mebe, nombre d’autres accusés comparaissent dans le cadre de cette cause. Il s’agit de son épouse, dame Minla Nkoulou Bernadette, Victor Emmanuel Menye, Léonard Maxim Mbangue, Ghislain Mboutou. Ils sont poursuivis par le Ministère public et l’Etat du Cameroun. L’accusation leur reproche les faits présumés de corruption, détournement de biens publics (Dbp), violation code des marchés, prise d’intérêt dans un acte, blanchiment aggravé des capitaux, complicité de Dbp.