Présomption de détournement de biens publics : Les Avocats des coaccusés de Alain Mebe Ngo’o demandent au tribunal criminel spécial de se déclarer incompétent.
Me Charles Nguini, défenseur du colonel Ghislain Mboutou estime que le tribunal militaire est compétent pour juger son client. Pour sa part, Me Assira plaide afin que la juridiction française puisse connaître de cette affaire, étant donné que cette dernière a été saisie bien avant le Tcs.
Par Florentin Ndatewouo
Edgard Alain Mebe Ngo’o en a marre ! La patience de l’ancien ministre délégué à la présidence en charge de la Défense semble avoir atteint ses limites. Assis dans le box des accusés ce 28 décembre au Tribunal criminel spécial (Tcs) de Yaoundé, il décide de prendre la parole après les plaidoiries de ses avocats. La voix chargée de tristesse, dans une démarche accusatrice,le mise en cause se plaint :” L’ordonnance qui me renvoie devant vous a été publiée dans les réseaux sociaux. Ma famille est jetée à la vindicte populaire.Vous allez renvoyer les audiences jusqu’à quand?” A l’écoute de cette plainte, une voix dans l’assistance ne parvient pas à contenir son émotion :” Holala! Comme c’est triste!” Compatit-elle.
Edgard Alain Mebe Ngo’o réagit ainsi à la suite de l’annonce par la présidente de la collégialité de la suspension, suivie du renvoi de l’audience.
Au cours du procès, les avocats de la défense ont présenté un ensemble d’éléments constitutifs à leurs égards, des violations des droits de leurs clients. Me Charles Nguini, défenseur du colonel Mboutou Elle Ghislain, fustige la détention d’un officier supérieur dans une prison réservée aux personnes civiles. Et de se demander :” Madame la présidente, quelles valeurs voulons-nous promouvoir dans notre société?”
“S’agissant de mon client, le juge d’instruction n’a fait que rechercher les éléments qui lui sont défavorables”.
De plus, Me Nguini remet en cause l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction. Il estime que l’article 151(2) de la loi du 27 juillet 2005 portant code de procédure pénale (Cpp) a été violé. Cette disposition énonce :” Les investigations du juge d’instruction doivent tendre à la recherche de tous les éléments favorables ou défavorables à l’inculpé.” Or, Me Nguini, note que” S’agissant de mon client, le juge d’instruction n’a fait que rechercher les éléments qui lui sont défavorables”. A cet effet, le défenseur de l’accusé Ghislain Mboutou conteste la compétence du Tcs :“premièrement, vous devez vous déclarer incompétent.” L’auteur de l’ouvrage Le procès d’un haut magistrat s’emprend ensuite à l’ordonnance du juge d’instruction : “Deuxièmement, vous devez annuler l’ordonnance du juge d’instruction qui inculpe mon client sur la base du code des marchés publics qui n’est pas applicable en l’espèce.”
A la suite de Me Charles Nguini, son confrère Me Claude Assira monte au créneau. Intervenant pour le compte de l’accuse Maxime Mbangue, Me Assira dénonce lui aussi la violation des droits de son client. Il pointe entre autres, le caractère “déloyale” de l’interrogatoire de sieur Mbangue, au cours de l’enquête préliminaire. Lequel a débouché sur l‘autoincrimination de son client. Une pratique pourtant condamnée par l’article 14 du pacte relatif au droits civils et politiques du 16 décembre 1966. Me Assira fustige également la durée de détention provisoire de son client.
Le procès oppose le Ministère public, l’Etat du Cameroun, (Ministère des Finances Minfi) à sieurs Mebe Ngo’o Edgard Alain Abraham, Mbangue Maxime, Mboutou Elle Ghislain, Menye Victor Emmanuel, Minla Nkoulou Bernadette épouse Mebe Ngo’o. Les mis en cause sont accusés d’infractions de corruption, détournement de biens publics (Dbp), violation code des marchés, prise d’intérêt dans un acte, blanchiment aggravé des capitaux, complicité de Dbp.
L’audience a été renvoyée les 2, 3, et 18 février 2021.