Dépositions : Bruno Bekolo Ebe fait le procès de l’accusation
Appelé par le Ministère public à présenter des documents comptables, à l'effet de justifier les sorties supposées de fonds mis à sa charge, Bruno Bekolo Ebe exprime son étonnement, face à cette démarche du Parquet général près le Tribunal criminel spécial : « c'est l'accusation qui doit produire les documents ou les preuves que les reversements n'ont pas été fait, et que j'ai détourné les fonds querellés…» L’ancien recteur de l’Université de Douala s’exprime ainsi au cours du contre-interrogatoire mené par l’accusation, à l’audience d’hier 22 novembre de l’année en cours.
Par Florentin Ndatewouo
Le Parquet général près le Tribunal criminel spécial (Tcs) persiste et signe : « A l'audience du 27 mai 2022, vous avez prétendu que la production des pièces justificatives ne vous incombait pas et que par conséquent, l'accusation n'était pas fondée à vous les exiger. » Cette observation amène l’Avocat général à lire à l’adresse de l’accusé, Bruno Bekolo Ebe, les dispositions de l'article 308 du code de procédure pénale : « Hormis les cas où la loi en dispose autrement, une infraction peut être établie par tout mode de preuve ». A la suite de ladite lecture, l’accusation interpelle le professeur Bekolo Ebe sur la nature juridique des procès-verbaux, produits par ses soins à la dernière audience.
Ces échanges ont eu lieu hier 22 novembre au Tcs à Yaoundé, dans le cadre de la suite du contre-interrogatoire de l’ancien recteur de l’Université de Douala. En réponse à la question posée par l’Avocat général, l’accusé Bruno Bekolo Ebe affirme avoir déjà apporter des réponses à la question qui lui posée.
La partie défenderesse saisit tout de même l’occasion pour donner des précisions. L’ancien recteur de l’Université de Douala indique que la production des pièces comptables, telle que requise par l’accusation, ne relève guère de sa responsabilité. A l’appui de cette affirmation, Bruno Bekolo Ebe convoque les dispositions de l’article 16 du décret du 15 mai 2013 portant règlement de la comptabilité publique :«les comptables publics en derniers et en valeur sont seuls habilités à assurer:
-la conservation des pièces justificatives des opérations et des documents de comptabilité, jusqu'à la production des comptes.» Ces dispositions sont également contenues à l’article 106 du même texte réglementaire.
Affaire Université de Douala : Bruno Bekolo Ebe parle des responsabilités de l'Agent comptable
« (…) En me demandant de produire soit les documents comptables, soit les pièces justificatives, monsieur l'Avocat général me demande en fait, et implicitement de prouver mon innocence, comme si pesait sur moi, une présomption de culpabilité. »Bruno Bekolo Ebe, l’accusé.
En outre, dans son développement, le professeur Bruno Bekolo Ebe fait le procès du contre-interrogatoire auquel il est soumis : « (…) En me demandant de produire soit les documents comptables, soit les pièces justificatives, monsieur l'Avocat général me demande en fait, et implicitement de prouver mon innocence, comme si pesait sur moi, une présomption de culpabilité. » Une situation qui, du point de vue de l’accusé, confine à la contradiction : « (…) alors que c'est l'accusation qui doit produire les documents ou les preuves que les reversements n'ont pas été fait, et que j'ai détourné les fonds querellés, en vertu du principe de la présomption d'innocence, qui, sauf erreur de ma part, s'applique aussi à ma modeste personne. »
« Je m'attends à ce que l'accusation, devant ce tribunal, m'oppose soit des dispositions juridiques, prouvant soit l'illégalité des actes que j'ai posés, soit des faits, contredisant ou infirmant sur tel ou tel point, les déclarations que j'ai faites, ou confirmant celles de son témoin… » Bruno Bekolo Ebe, l’accusé.
Dans le même sillage, Bruno Bekolo Ebe met en avant le caractère frauduleux, des documents à charge, produits par l’accusation: « Or, tous les documents qui ont été produits par l'accusation prouvent que d'une part, son témoin a constamment menti au tribunal, soit par ses déclarations, soit par les faux documents fabriqués par la mission de contrôle(…) » Ces documents querellés, imputent au professeur Bruno Bekolo Ebe, le détournement présumé de la somme d’01 milliard 654 millions 653 mille, «issus de 170 d'opérations dupliquées et de 115 opérations de retrait effectuées dans une banque, la Sgbc, où l'Université n'a jamais eu de compte. »
Bruno Bekolo Ebe reste sur sa fin : « Je m'attends à ce que l'accusation, devant ce tribunal, m'oppose soit des dispositions juridiques, prouvant soit l'illégalité des actes que j'ai posés, soit des faits, contredisant ou infirmant sur tel ou tel point, les déclarations que j'ai faites, ou confirmant celles de son témoin… »
Il n’en faut pas plus pour susciter chez l’enseignant de Sciences économiques, un sentiment d’une incrimination, assortie d’un goût d’inachevé : « Or, rien de tel depuis que cette CROSS EXAMINATION a commencé, je m'attends ainsi à ce qu'on me dise par quel moyen j'ai pu détourner des fonds publics, retirer d'un compte qui n'existe pas, puisque l'université n'a jamais ouvert de compte à la Sgbc (Société générale des Banques du Cameroun, Ndlr) dont elle n'était pas cliente. »
Quid du motus operandi ? « Que l'on me dise par quel mécanisme, j'ai pu détourner des fonds publics en appliquant par la retenue de garantie, alors que d'une part, l'article 72 du Code des marchés me donnait pouvoir, en tant que maître d'ouvrage, d’en dispenser les entreprises, pour les marchés concernés, mais que d'autres part, et malgré tout, je n'ai appliqué ladite retenu de garantie comme l'atteste l'article 10 du code des marchés que j'ai produit. »
Au terme des dépositions de son client, Me Ndjodo Bikoun formule à l’endroit de la collégialité : « Nous voulons suggérer au tribunal, ce que nous voyons dans les autres affaires. Que les audiences concernant l'affaire du professeur Bekolo puissent se suivre de manière continue. » Les dates du 18 et 31 janvier 2023 prochains sont retenues pour la suite de l’instruction en audience publique de la cause.